le mauberme en attendant l'hiver
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le mauberme en attendant l'hiver

Par philtraverses - 05-11-2010 18:28:37 - 4 commentaires

Un jour d'automne dans le biros. Une contrée reculée de l'Ariege. Le silence est d'or, comme ces feuilles qui offrent toutes les nuances du rouge, du jaune et que le vent clément de cet automne débutant éparpille à tout va. La poésie a fui à jamais la vallée. Ne reste que la pesanteur du chômage, cette plaie insidieuse qui empoisonne le coeur des gens.  Cette vallée du biros qui jadis fut si industrielle et peuplée a perdu sa population peu à peu. Le vent éparpille les souvenirs.

Sur le chemin ou mes pas me mènent je m'attends à trouver l'ours à chaque fois. Ce matin, les chasseurs du coin, ces hommes à la voix si grave, cassée d'avoir chantée des chansons paillardes la veille, en parlaient. En détournant le regard. L'ours est haï et admiré à la fois. Cette créature si puissante qui se rit des frontières..

Le pays est à l'image de leurs mains et de leurs visages.  Abimé, fort, ridé. Le vent qui descend de la montagne le soir raconte des histoires qui me tiennent éveillé la nuit. Une mauvaise nuit ne me décourage pas de partir sur le chemin. Me voila au point de départ de ma randonnée, l'usine ruinée du bocard. Jadis les villages étaient trop petits pour accueillir les centaines d'ouvriers et leurs enfants.Maintenant les écoles ferment les unes après les autres. La piste monte vers les mines du bentaillou. Ces mines ont un air de macchu pichu de loin. De près la tôle qui n'en finit pas de rouiller met fin aux rêveries et raconte la réalité, à présent obscène, de l'abandon.   

Je n'oublie pas en arpentant le sentier que cette montagne a été façonnée par les hommes. Autrefois c'étaient les mineurs qui empruntaient ces chemins.  Ils espéraient devenir riche, sortir de la misère, échapper à leur condition. Je n'espère pour ma part que le plaisir de l'instant présent. 

Le sentier qui monte régulièrement en lacets me mène au port d'urets, un passage artificiel taillé dans la crête ingrate à la serpe. L'empreinte de l'homme est partout. . Un orry occupé par un couple. Un bref salut. Je ne verrai qu'eux de toute la journée.  En contrebas l'étang de montolieu. C'est une belle journée d'automne qui offre un horizon dégagé. Comment imaginer que l'hiver va bientôt arriver ..

 

Je suis le sentier facile qui continue côté Espagnol. Il mène vers le mauberme qui est le point culminant du couserans à 2884m.

Au sommet la vue sur les Pyrénées est toujours là. Toujours renouvelée, toujours surprenante même après des années de randonnée. Les premières neiges ont déjà embelli les hauts sommets, la maladeta, l'aneto.  

Si l'été cette montagne facile, si ce n'est l'important dénivelé, est très fréquentée, à cette saison il en est tout autrement. Le cairn sommital est seul comme moi. Je lui causerais bien un instant, un peu comme robinson causait à Vendredi. Nul doute que si je passais l'hiver ici je finirais par lui parler. D'ailleurs pourquoi un jour ne pas passer les 6 mois de l'hiver sur un sommet.   

 

Je me résous à redescendre. Il faut toujours redescendre. Le voyage, l'ailleurs, ne vaut que parce qu'il y a le quotidien. Heureux qui comme Ulysse.. Je n'ai aucune idée de performance. Le temps passant déjà que je n'aimais pas la compétition je l'aime de moins en moins. Juste le plaisir de marcher vite et de me donner l'illusion que cette montagne est à moi.Non les pyrénées ne sont à personne. 


Plus bas le sentier continue vers le lac de lia, un des plus grands étangs des Pyrénées. Non loin de cet étang le sentier bifurque et grimpe vers la hourquette du port.  

 

 

Sous ce petit col un discret étang qui a survécu à la sécheresse de l'été.La longue descente s'amorce enfin. je suis à peine émoussé par ma longue ballade. Déjà plus de 15kms. L'itinéraire est facile. A une bifurcation le sentier se divise. A gauche il va vers l'étang d'araing, dominé par le pic crabere. A droite c'est mon chemin qui flane dans les prairies alpines. 

 

Plus bas j'atteins le point haut des mines de bentaillou . Au début du 20ème siècles les hommes y travaillaient 12 heures par jour. On y exploitait le zinc et le plomb argentifère. Les hommes mouraient de silicose ou souffraient de la colique du plomb .. sans doute une forme de saturnisme. Plus bas, à l'usine du bocard, les femmes triaient le minerai. Lorsque le cours du zinc s'effondre en 1926 la mine ferme. Elle réouvrira 16 ans pour fermer définitivement au début des années 40.

 

Comme souvent la deuxième guerre mondiale a sonné le glas des espoirs de prospérité. Partis à la guerre les hommes n'ont pas eu le courage de revenir. Que reste t'il de ce travail?. Les mineurs ont quittés la vallée pour peupler les grandes villes, saint girons, Foix.. respect. Leurs descendants ne croiront plus aux promesses. On leur a tant promis . Les ruines sont la pour démontrer que les promesses n'étaient que des mots qui n'engagent que ceux à qui elles sont faites. 

 

Le soleil de l'après midi décline doucement lorsque j'atteins Eylie après quelques 20kms et 2000 m de dénivelé. 

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4 commentaires

Commentaire de Klem posté le 06-11-2010 à 15:48:35

Billet sympa qui invite à la rêverie et au voyage dont la destination est inconnue ou presque

Commentaire de Klem posté le 06-11-2010 à 15:48:57

Billet sympa qui invite à la rêverie et au voyage dont la destination est inconnue ou presque

Commentaire de Mustang posté le 07-11-2010 à 21:40:52

La montagne toujours recommencée, merci pour cette balade et cette page d'histoire sur les mines de plomb.

Commentaire de Estive 73 posté le 11-11-2010 à 18:56:31

Merci pour ce CR bien sympa et bien illustré. Un lieu cher à mon coeur : ma 1ère rando en montagne.. il y a, disons, 28 ans.

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